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Retour05 mars 2025
Jason Joly - jjoly@medialo.ca
Le CRE de Lanaudière s’inquiète que le projet « cause un précédent »
Route 3

©Photo gracieuseté
Kassandra Martel, directrice générale du Conseil régional de l’environnement de Lanaudière.
Alors que les travaux de restauration de la route 3 sont en cours et que les élus de la MRC de Matawinie unissent leur voix afin de rendre ce chemin accessible à l’année, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Lanaudière s’oppose à cette demande. La directrice générale, Kassandra Martel, craint de voir d’autres initiatives similaires s’implanter au sein de parcs naturels comme celui du Mont-Tremblant, et d’ainsi perdre des acquis.
« Pour nous, le parc est un bel espace protégé. Nous visons la conservation de 30 % du territoire du Québec d’ici 2030, alors si nous commençons à utiliser des secteurs dans des zones déjà préservées, comment allons-nous rattraper cela? Nous avons peur que ça cause un précédent », reconnait Mme Martel.
L’organisation avait déjà présenté une résolution en 2023 pour s’opposer au projet de la route 3, qui relierait Saint-Donat à Saint-Michel-des-Saints en passant par le Parc national du Mont-Tremblant. La directrice générale soutient que, bien que quelques années se sont écoulées depuis son adoption, les propos qui y sont mentionnés sont toujours à jour : « Nous la révisons souvent. Elle répond encore aux critères et aux enjeux que nous trouvons importants. » Cette résolution s’accorde avec la position du regroupement des CRE qui n’appuie plus la construction de nouvelles routes, préférant l’entretien de celles déjà présentes sur le réseau.
L’organisme lanaudois s’inquiète de voir les impacts que cette voie routière pourrait causer sur la faune et la flore, surtout envers l’animal emblématique du Parc du Mont-Tremblant, le loup. « Avec seulement deux passages piétons à l’heure, nous venons affecter son territoire. En ajoutant une route, nous accélérons la vitesse et donc le nombre de passages », indique Kassandra Martel. L’augmentation des risques d’accident avec des bêtes et les GES produits par les véhicules font également partie des appréhensions de l’organisation envers l’implantation de la route 3.
Toutefois, la Sépaq a confirmé la finalisation de ce trajet et les démarches sont déjà en cours. Elle prévoit l’aménagement d’un chemin de gravier sur une trentaine de kilomètres ainsi que l’installation d’un nouveau système de drainage, de fossés et de ponceaux. Le CRE de Lanaudière s’est donc donné comme objectif de demander des mesures pour limiter les impacts redoutés. Il propose notamment que la limite de vitesse soit réduite et que les passages sur les terres du parc national soient contrôlés avec l’implantation d’une guérite.
Kassandra Martel et son équipe saluent cependant les plans de la Sépaq concernant le système de drainage. Alors que des épisodes de pluies abondantes deviennent plus fréquents, ces infrastructures réimaginées peuvent aider à prévenir des inondations. « Nous voyons d’un bon œil qu’ils veuillent utiliser des technologies différentes pour que ce soit efficace, mais vert en même temps. La vision qui nous a été présentée a de l’allure. Ça ne répond pas à nos attentes, dans le sens que nous aimerions mieux qu’il n’y ait pas de route, mais, tant qu’à la faire, nous préférons ça comme cela », affirme Mme Martel.
Contre l’asphaltage
Les élus de la Matawinie ont récemment décrié publiquement les plans finaux de la Sépaq, souhaitant que la portion à venir de la route 3 soit asphaltée. De cette façon, la voie serait accessible durant quatre saisons. Du point de vue du CRE de Lanaudière, il est nécessaire que le chemin reste en gravier pour une meilleure absorption de l’eau en cas de pluie. De plus, il soutient que la fermeture du chemin durant plusieurs mois offrira un répit bénéfique pour les animaux du parc. « L’hiver est le meilleur temps pour les laisser en paix. Ils sont déjà en mode survie, alors ça ajouterait un stress », évoque Kassandra Martel.
En plus de son apport pour le tourisme dans la région, l’amélioration de la sécurité publique est un argument qui a souvent été mentionné par les élus lanaudois en appui au projet. Au cours des dernières années, la route 131 a été bloquée ou fermée à plusieurs occasions, mais principalement pour cause de sinistres. Les élus voient donc en la route 3 un deuxième accès si d’autres fermetures devaient survenir. Perplexe par rapport à cet argument, le CRE de Lanaudière confirme avoir rencontré des personnes qui opèrent lors de situations d’urgence. « On nous a dit que des protocoles existent déjà et que personne ne sera laissé pour compte si la 131 est bloquée par exemple », répond Mme Martel.
L’organisation est plutôt préoccupée de voir des camions lourds de marchandises couper à travers le Parc du Mont-Tremblant. « Pour nous, il n’y a pas de gain réel de relier Saint-Donat et Saint-Michel à part pour le transport de marchandises. C’est sûr que ce serait plus rapide, mais je crois que nous avons une décision de société à prendre et des valeurs à préconiser », ajoute la directrice générale. Elle nuance néanmoins que le CRE de Lanaudière n’est pas contre les projets de développements économiques. Elle donne l’exemple de la mine de graphite à Saint-Michel-des-Saints et du fait que des membres de son équipe siègent sur le comité de vigilance.
Pour ce qui est du dossier de la route 3, l’organisme est souvent en relation avec toutes sortes de collaborateurs comme la MRC de Matawinie et Tourisme Lanaudière entre autres. Kassandra Martel comprend que chaque partie a ses enjeux et ses causes à défendre, mais son équipe continuera « de prendre son rôle de gardien et de s’assurer que les meilleures pratiques environnementales soient respectées sur le territoire ».
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