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09 décembre 2024

Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca

Nathalie Trottier | Survivre à la violence et en renaître

Violence conjugale

Violence conjugale

©Photo Médialo - Marie-Christine Gaudreau

Les représentantes des maisons Regroup’elles, La traverse et Regard en Elle, en compagnie de la conférencière Nathalie Trottier.

Le 4 décembre dernier, dans le cadre des 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes et aux filles, les maisons d’aide et d’hébergement de la région de Lanaudière organisaient un événement pour se souvenir de ces femmes décédées parce qu’elles étaient des femmes et pour répandre l’espoir d’un après plus heureux pour toutes ces femmes dont le quotidien est terni par les coups, tant au sens propre que figuré.

Ainsi, aux représentants des maisons Regard en Elle, à Repentigny, Regroup’elles, à Terrebonne, et La Traverse, à Joliette, se sont joints de nombreux intervenants du milieu, des survivantes et autres acteurs interpellés par la cause.

D’entrée de jeu, la directrice générale de Regard en Elle, maître de cérémonie de cette soirée, Audrey Leclerc, a demandé une minute de silence à l’assemblée. Ce fut l’occasion de se souvenir des victimes de la tuerie de Polytechnique dont on souligne le 35e anniversaire cette année, mais aussi de se commémorer les 21 femmes disparues par féminicide au Québec, en 2024. « Selon le rapport annuel de l’ONU Femmes publié ce lundi [2 décembre], environ 51 100 femmes et filles ont perdu la vie en 2023 en raison de violences de genre perpétrées par des partenaires amoureux ou des membres de leur famille. Cela représente une triste tragédie de 140 féminicides par jour dans le monde », a-t-elle rapporté au préalable afin de rappeler l’importance de poursuivre les efforts et les initiatives visant à offrir un avenir digne et exempt de violence à toutes les femmes.

Faire la différence

Mme Leclerc a par la suite souligné les efforts qui se concrétisent dans la région de Lanaudière pour agir et trouver des solutions tangibles face à la violence. « On est convaincu qu’ensemble, on a sauvé des vies. On est convaincu qu’ensemble, on fait une différence », a-t-elle félicité tous les acteurs impliqués pour le bien-être des femmes dans Lanaudière.

Violence conjugale

©Photo Médialo - Marie-Christine Gaudreau

Nathalie Trottier a vécu durant 25 ans auprès d'un homme violent. Elle se sert aujourd'hui de son expérience pour aider toutes ces femmes et ces enfants qui vivent dans la violence.

Sur ce mot d’ouverture inspirant et empli d’espoir, une survivante de la violence conjugale, Nathalie Trottier, a pris la parole. Après avoir vécu 25 ans entre les griffes de son bourreau et en être sortie depuis 2012, Nathalie Trottier a choisi de transcender le négatif en positif, dans l’espoir que son expérience permette à d’autres femmes de s’en sortir ou mieux de faire progresser la cause afin que les femmes soient mieux protégées.

« Vous dire toute la fierté que j’ai d’avoir pu retrouver ma dignité. J’étais pourtant une très bonne candidate prédestinée à faire la Une des journaux télévisés. J’ai réussi tant bien que mal à ne pas faire partie des statistiques. J’ai suivi mes intuitions, j’ai écouté ma petite voix intérieure. J’ai fait part avec détermination de toutes mes peurs. Certes, il y a eu quelques failles dans mon parcours, mais heureusement je suis encore ici; je suis encore en vie et ce soir je suis là pour en témoigner », a-t-elle d’abord lancé avec force et résilience.

Quand le conte de fées se transforme en cauchemar

Tombée follement amoureuse « de son prince charmant » à l’âge de 16 ans, Mme Trottier, aujourd’hui âgée de 53 ans, explique qu’elle était alors loin de se douter du calvaire qui l’attendait. On ne l’avait pas prévenu, se désole-t-elle, que « l’amour pouvait être un danger ».

Elle qui se sentait si bien entre les bras de son amoureux, elle n’aurait jamais pu s’imaginer, à l’époque, « que ces mêmes bras, dans quelques années, tenteraient de [l]’étrangler ».

En fait, Nathalie Trottier est l’exemple parfait de la femme sur laquelle on exerce un contrôle coercitif. En venant rarement aux violences physiques, l’ex-conjoint de Nathalie n’en était pas moins violent à son égard. « J’étais devenue sa marionnette,  je n’avais plus de pensée propre. Je subissais sans consentir; tout était toujours ma faute », a-t-elle témoigné. Privée de sa famille, de ses amies, de son travail, de toute liberté, la survivante se rappelle s’être sournoisement retrouvée isolée et dépressive; jusqu’à en avoir des idées noires.

Rongée par la culpabilité et la peur

Dans tout son mal-être, Nathalie Trottier raconte s’être sauvée à huit reprises en maison d’hébergement avant son départ officiel. Chaque fois, « remplie de culpabilité », elle retournait à la maison. S’il s’en prenait à lui-même ou, pire, à ses enfants ? Des menaces qu’il lui conférait pour s’assurer de la garder près de lui. Eh bien, la peur opérait et Nathalie restait. Enfin, jusqu’au 3 juin 2012, où elle a pris son courage à deux mains et est partie définitivement, laissant tout derrière. Ses enfants étaient grands maintenant.

oeuvre commérative féminicides 2024

©Photo Médialo - Marie-Christine Gaudreau

L'œuvre d'une bénéficiaire des services de l'organisme Regard en Elle pour honorer la mémoire des victimes de féminicides des derniers mois, au Québec

À partir de ce jour, Mme Trottier s’est promis que toute cette violence vécue ne serait pas vaine. Elle servirait à démontrer que les survivantes ne sont pas faibles, mais qu’elles sont plutôt de véritables guerrières. Elle servirait à donner le courage à d’autres femmes de se choisir, de « réapprendre à s’aimer, à poser ses limites, à se respecter ». Elle servirait à sensibiliser le plus de gens possible aux ravages causés par la violence conjugale.

Nathalie Trottier est aujourd’hui artiste peintre et conférencière. Elle participe également à une recherche en tant qu’experte de vécu sur la violence conjugale, en plus de former des gens en entreprise et même des corps policiers à ce sujet. Elle milite par ailleurs pour la légifération du contrôle coercitif et pour la reconnaissance du « suicide forcé ». « C’est l’angle mort des féminicides. Il est grand temps de reconnaître que des femmes se donnent la mort comme un acte ultime de libération pour toutes les souffrances endurées. »

 

 

Qu’est-ce que le contrôle coercitif ?

Selon le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, le contrôle coercitif constitue un terme offrant une nouvelle paire de lunettes pour voir au-delà de la violence visible et des incidents isolés. Plus concrètement, le Regroupement explique que le contrôle coercitif désigne une série de stratégies utilisées par un partenaire ou un ex-partenaire pour isoler, contrôler, terroriser sa victime et la priver de liberté, petit à petit.  C’est une prise de contrôle discrète et progressive de la femme victime par le partenaire, qui n’exerce pas forcément de violence physique.

Un projet de loi d’initiative parlementaire (C-332) visant à criminaliser le contrôle coercitif a franchi plusieurs étapes décisives dans les derniers mois. Après avoir été adopté à l’unanimité par la Chambre des Communes en juin 2024, il est désormais étudié par le Sénat en deuxième lecture depuis le 17 septembre dernier. Si le projet de loi est adopté, le Canada pourrait devenir la 5e nation à faire du contrôle coercitif une infraction criminelle.

 

Besoin d’aide ? Regard en Elle offre une ligne d’écoute téléphonique en fonction 24 h / 24 : 450 582-6000.

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