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Retour30 octobre 2024
Jason Joly - jjoly@medialo.ca
Une mobilisation pour protéger le dernier boisé du lac Saint-Stanislas
Coupes forestières
©Photo gracieuseté
Les coupes forestières prévues en 2025 auront lieu au nord du lac Saint-Stanislas.
Des citoyens résidant aux abords du lac Saint-Stanislas à Saint-Zénon craignent de voir de futures coupes forestières détruire le paysage naturel environnant en 2025. Nouvellement regroupés en association, ils tentent le tout pour le tout en demandant un moratoire pour empêcher ces coupes et ainsi garder les quelques sections boisées autour du lac.
En 2003, Suzanne Filteau a choisi une résidence secondaire à Saint-Zénon pour se ressourcer et profiter de la nature. Comme ses voisins, elle peut fréquenter les sentiers qui sillonnent les boisés autour du lac Saint-Stanislas et s’adonner à l’observation des oiseaux, l’une de ses passions. Au mois de juin dernier, les résidents et elle ont appris que des coupes forestières allaient être effectuées au nord du point d’eau. Ils ont notamment su qu’une consultation publique avait eu lieu le 27 mars 2024 pour présenter les activités d’aménagement forestier, incluant celles à Saint-Zénon. Selon le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), les coupes seront réalisées dans le but « d’honorer les garanties d’approvisionnement (volumes de bois) des usines de transformation présentes sur le territoire régional ».
Un bilan de la rencontre rédigé par la MRC de Matawinie fait état des différents projets à venir dans la municipalité, mais celui prévu dans le secteur concerné n’y figure pas. Le MRNF ajoute avoir pris différents moyens pour annoncer la tenue de cette consultation publique: « Plusieurs avis publics ont été diffusés dans les journaux locaux, des lettres et des courriels ont été envoyés aux personnes concernées. » Les citoyens ont cependant eu la confirmation que le point avait fait partie de la soirée. Ce même bilan note aussi qu’une centaine de personnes ont assisté à la consultation.
Cette nouvelle a été une grande surprise, autant pour le voisinage du lac Saint-Stanislas que pour celui du lac Canot-d’Écorce, dont quelques résidents subiront les impacts de ces coupes, qui assurent ne jamais avoir été avertis de cette rencontre.
Malgré tout, Suzanne Filteau se désole de ces coupes puisqu’avec les sentiers, les lacs et la présence de l’Auberge le Cabanon, le site avait un cachet récréotouristique incomparable. « Ils vont tout détruire et la biodiversité va en prendre un coup. Les gens ne sont pas contre les coupes forestières, mais celles prévues seront pratiquement dans nos cours », déplore la résidente.
Elle raconte que des coupes avaient déjà eu lieu il y a quelques années au sud du lac, réduisant les boisés accessibles. Certains d’entre eux existent toujours, mais la plupart sont soit à flanc de montagne ou encore sur des sentiers de motoneige. « Ce sera inaccessible pour les randonneurs, nous n’irons pas nous promener parmi les motoneiges et les quads. Donc, nous n’avons plus de boisé du tout autour du lac! », remarque Mme Filteau. Ainsi, pour préserver cet environnement naturel apprécié, une mobilisation s’en est suivie.
©Photo gracieuseté
Le secteur est sillonné de sentiers grandement appréciés des résidents.
Chantier le Cabanon
Depuis 38 ans, l’Auberge le Cabanon est un lieu très fréquenté à Saint-Zénon et attire de nombreux amateurs de plein air provenant du Québec, mais aussi de l’Ontario et des États-Unis. L’établissement avoisine le lac et il se trouve près de plusieurs sentiers, au grand plaisir des randonneurs. Le propriétaire, Michel Mills, a lui aussi été surpris d’entendre que des coupes allaient avoir lieu près de son auberge. « C’est Isabelle Parent, qui agit comme agente de liaison entre le public, le Ministère et l’industrie forestière, qui m’a éclairé sur la coupe de bois », confie-t-il.
Il a été étonné en apprenant que le nom donné au projet était le Chantier Cabanon. Cela a en effet semé la confusion au sein des résidents qui croyaient que l’auberge avait quelque chose à y voir : « Au début, ça me fâchait un peu, avoue M. Mills. Ce n’est pas ma faute s’il va y avoir des coupes de bois. » Le Ministère explique que le nom « Saint-Stanislas » avait déjà été attribué pour un projet précédent et qu’il ne pouvait être repris. Puisqu’il était à proximité, le Cabanon a été utilisé pour la désignation du chantier.
M. Mills explique que les coupes seront un peu moins visibles de son auberge, mais les touristes s’en rendront compte lorsqu’ils s’aventureront dans le bois. De plus, ces coupes arrivent juste au moment où il planifiait d’instaurer un service de location de raquettes afin de permettre à ses visiteurs de profiter de la nature environnante. « Je suis en train de me préparer pour faire l’entretien de ces sentiers ». Il se pourrait donc que ce plan soit mis à mal puisque, si des coupes étaient effectuées, les opérations pourraient endommager les chemins et rendre les activités impossibles.
Démarches fastidieuses
Bien que la consultation publique ait eu cours, les citoyens ont décidé de tout faire afin de s’opposer à ces coupes. De cette façon, Pierre-Olivier Deland, un père de famille qui y demeure depuis 2019, a contribué à la création de l’Association des propriétaires du lac Saint-Stanislas. « Environ 95 % des gens étaient contre les coupes parce que c’est notre paysage. Ils ont acheté des chalets pour avoir un beau lieu de villégiature, mais il ne restera pas de bois autour du lac. Alors, c’est vraiment l’élément déclencheur », résume-t-il. Il s’est rendu compte qu’un regroupement du genre aurait permis d’être invité plus rapidement à la consultation du 27 mars. Pour éviter que la situation ne se répète, l’association a été fondée.
Cette dernière a donc entamé plusieurs démarches pour faire entendre la voix des résidents, dont de participer à la table locale de gestion intégrée des ressources et du territoire Lanaudière, ainsi qu’à un processus de règlement des différends. « Ç’a brassé parce que nous étions les premiers à déclencher ce processus dans la région », reconnait M. Deland. Les citoyens souhaitent notamment protéger les sentiers, ainsi que les milieux humides sur le site. Néanmoins, toutes leurs demandes ont été rejetées, ce qui ne les a pas découragés pour autant.
Les propriétaires utilisent maintenant deux autres moyens de pression. Ils ont suivi les étapes pour élaborer un projet d’aire protégée. Intitulé la Forêt Sauvé, le territoire visé se situerait aux pourtours des lacs Saint-Stanislas et Canot-d’Écorce et il couvrirait une superficie de 10 km². Les citoyens estiment que le projet est à considérer si le gouvernement du Québec souhaite atteindre un objectif de 30 % d’aires protégées d’ici 2030. De plus, ils proposent de former un corridor afin de relier les chemins de randonnée à ceux du sentier multifonctionnel qui unifie Saint-Michel-des-Saints et Saint-Zénon. Le projet enchante plusieurs personnes, mais diverses étapes doivent encore être suivies pour qu’il devienne réalité. « Nous avons franchi des étapes, mais il n’y a rien de gagné encore », reconnait M. Deland.
Le second processus mis en marche par l’association consiste à demander au gouvernement de décréter un moratoire sur les coupes forestières prévues. Une pétition accumulant près de 800 signatures est présentement sur le site de l’Assemblée nationale, et ce jusqu’au 4 novembre. Les propriétaires espèrent donc que des actions seront prises pour préserver à la fois l’aspect récréotouristique du site ainsi que sa biodiversité. « J’ai trois bonnes raisons de m’opposer aux coupes : mes enfants. Je veux que, même quand ils seront grands, ils continuent de profiter du bois », termine Pierre-Olivier Deland.
La pétition est accessible au Pétition : Demande visant à décréter un moratoire sur les coupes forestières à Saint-Zénon.
Commentaires
30 octobre 2024
Robert Morin
Merci pour cet important reportage, qui illustre très clairement l'utilité et même la nécessité d'avoir un journal régional qui traite des enjeux régionaux. Honte à ceux qui se montrent indifférents aux difficultés de ces derniers médias crédibles et qui croient à tort que notre démocratie pourra se fier uniquement aux médias sociaux et à leurs «influenceur$»...