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Retour12 octobre 2024
Jason Joly - jjoly@medialo.ca
La communauté thomassienne s’oppose fortement au projet
Site d’enfouissement
©Jason Joly
Alors que le site d’enfouissement technique de Saint-Thomas est en voie d’atteindre sa pleine capacité en 2032, l’entreprise qui l’administre, Dépôt Rive-Nord (DRN), se voit dans l’obligation de planifier l’ajout d’une nouvelle cellule. Un changement de zonage est toutefois nécessaire et doit être accepté par la MRC de Joliette, mais la population concernée est, de son côté, loin d’être en accord avec ce projet.
Le site d’enfouissement technique actuel occupe une superficie de 68 hectares et accueille des déchets de la région et de villes extérieures comme Montréal. Son implantation, en 2007, est le fruit d’une entente avec le gouvernement du Québec qui prévoyait des activités s’étalant sur 25 ans. Le directeur général de DRN, Luc Turcotte, révèle que le site est présentement rempli à 70 % de sa capacité autorisée. « Donc, en 2032, il aurait atteint sa pleine capacité. »
C’est pour éviter cela que l’entreprise souhaite ajouter une nouvelle cellule d’enfouissement. La proposition initiale demandait un agrandissement de 117 hectares, mais ce nombre a été baissé à 87 hectares. Deux lots sont convoités, mais le zonage devra être modifié puisqu’un territoire est identifié comme agricole et l’autre comme protégé. « Notre objectif est d’être en avance, donc d’avoir le temps de faire le travail, mais aussi de préserver ce service essentiel », résume M. Turcotte. Celui-ci ajoute qu’une bande boisée sera conservée et que, comme c’est le cas actuellement, le lieu sera assujetti à diverses règlementations au niveau environnemental, en plus d’être surveillé par le ministère de l’Environnement.
©Photo gracieuseté
Vue aérienne du site de Dépôt Rive-Nord.
Pour que les zones soient changées pour industrielles, le projet de règlement 469.13-2019 a d’abord été présenté en consultation publique, le 24 septembre dernier, afin de modifier le Schéma d’aménagement et de développement révisé de la MRC de Joliette. Nancy Fortier, la directrice générale de l’organisation, a indiqué que les commentaires des citoyens allaient être pris en note jusqu’au 15 octobre, via l’adresse information@mrcjoliette.qc.ca, pour apporter au besoin des changements au projet de règlement. Mme Fortier a renchéri en précisant que l’adoption de celui-ci « n’autorise en rien DRN d’agrandir » : « Nous faisons seulement partie du processus. »
Luc Turcotte précise toutefois que les démarches sont multiples. La Municipalité de Saint-Thomas a déjà manifesté son appui à l’agrandissement qui en est maintenant à sa deuxième étape, soit la modification du schéma d’aménagement par la MRC. Si le changement est accepté, Dépôt Rive-Nord doit, entre autres, avoir l’accord de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) et organiser une autre consultation publique portant plus précisément sur le projet. À la toute fin, le gouvernement provincial aura le dernier mot à savoir si l’initiative est acceptée ou refusée.
Prioriser la région
Pour les citoyens présents à la consultation, cet agrandissement apporte beaucoup d’inquiétudes alors que certains déplorent des impacts majeurs sur leur qualité de vie. L’un des résidents, Gaétan Bayeur, a profité de la période de questions pour demander si la MRC avait le pouvoir de réduire la superficie du site indépendamment de la position de DRN. Il s’interroge sur la pertinence de cet agrandissement alors que des déchets sont importés de municipalités hors de la région vers le site de Saint-Thomas.
©Jason Joly
Luc Turcotte est venu présenter les grandes lignes du projet lors de la consultation publique du 24 septembre 2024.
Luc Turcotte a répondu en disant que le Québec compte sur 38 lieux d’enfouissement seulement. Il a aussi informé que chaque personne produit environ 725 kg de déchets par année et que le sud de la province est la zone la plus densément peuplée. « Dans cette partie, 75 % à 80 % des matières résiduelles vont être acheminées dans à peu près quatre sites principaux, dont celui de DRN ». Ainsi, selon M. Turcotte, le nombre de personnes en augmentation, tout comme leur production de déchets, et la stagnation du nombre de sites confirment la nécessité de l’agrandissement de celui de Saint-Thomas.
M. Bayeur a toutefois renchéri en déclarant : « Vous n’avez pas à gérer les déchets des autres régions du Québec. Tant et aussi longtemps qu’ils auront la possibilité d’enfouir leurs déchets chez nous, ils vont le faire parce que c’est la solution facile! » D’autres Thomassiens ont aussi déploré le fait qu’entre 25 % et 30 % des déchets traités proviennent de la région alors que 45 % sont importés de Montréal. Luc Turcotte assure que le but n’est pas de négliger Lanaudière au bénéfice de la métropole. Il explique que la forte densité de la population oblige la Ville à collaborer avec d’autres sites d’enfouissement comme DRN. « Mais nous ne traitons pas 45 % de tous les déchets produits par la métropole, seulement une partie », mentionne le directeur général qui poursuit en disant que cette proportion des déchets provenant de Montréal ne changera pas si l’agrandissement est accepté.
Droit de regard
La qualité de vie des Thomassiens a aussi fait partie des oppositions au projet puisque plusieurs voisins du site de Dépôt Rive-Nord s’inquiètent des odeurs. L’un d’eux a témoigné durant la consultation : « Présentement, il y a déjà des odeurs et le site n’est même pas encore agrandi! » C’est aussi ce que constate Marilyn Farly, qui réside près du territoire de DRN. Ce qu’elle déplore par-dessus tout, ce sont les impacts que pourrait entrainer un agrandissement qui engloutira une zone de terres cultivées. « À la base, nous sommes une communauté agricole et le projet sera juste à côté de plantations. Est-ce que vous achèteriez des produits qui viennent de terres à côté d’un dépotoir? »
Elle ajoute sa voix à celle de Gaétan Bayeur pour reprocher à la MRC de Joliette de ne pas utiliser son droit de regard concernant la limite ou l’interdiction de mise en décharge sur son territoire de matières résiduelles provenant de l’extérieur de son territoire. M. Bayeur est déçu de voir que l’organisation avait aussi renoncé à ce droit lors d’une entente précédente en 2001 : « Elle répète le même scénario! » Marilyn Farly va dans le même sens et considère que la MRC, avec les différents acteurs concernés, devrait prendre le temps de réfléchir à une décision qui prône le développement durable. « Si nous continuons à ouvrir nos portes, ça n’arrêtera pas et ce seront nos enfants qui vont hériter de ce problème », confie-t-elle.
En entrevue avec L’Action, le préfet de Joliette, Pierre-Luc Bellerose, tient avant tout à calmer certaines rumeurs concernant deux montants de 250 000 $ qui seraient attribués à la MRC si le schéma d’aménagement était modifié et si la CPTAQ donnait son accord au projet. Il assure que la MRC n’a pas fait de « marchandage » et n’a pas mis son droit de regard de côté en échange d’argent. « Il faut le voir comme quand une ville à une carrière ou une sablière, c’est pratique courante qu’elle reçoit des redevances. » Ces sommes vont servir dans le cadre du Plan de gestion des matières résiduelles afin de trouver des solutions pour changer des comportements et pour baisser le tonnage de déchets dans le futur. « En début d’année, nous allons annoncer un plan d’actions avec des mesures visant cette diminution », confirme le préfet.
Ce dernier explique donc que le droit de regard aurait pu être utilisé pour étudier la production de déchets des municipalités limitrophes au site. De cette façon, des restrictions auraient pu être mises en place, mais Pierre-Luc Bellerose se demande ce qui serait advenu des matières en trop: « Si nous ne les envoyons pas à DRN, nous les envoyons où? » Le préfet prend en compte les enjeux au niveau des odeurs ou de la cohabitation qui ont été dénoncés, mais il croit que DRN s’est engagé à continuer de s’améliorer et d’optimiser ses services. « Malgré tout, ultimement, des sites d’enfouissement, nous en avons besoin et nous en aurons besoin pour plusieurs années encore », de conclure M. Bellerose.
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