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Retour14 juin 2024
Mélissa Blouin - mblouin@medialo.ca
École à la maison, une popularité insufflée par la pandémie et les enjeux scolaires
Éducation
©Adobe Stock
u coeur du sondage, 45 % des familles ont affirmé que la pénurie d’enseignants a grandement influencé leur décision.
Une étude menée dans la région démontre que ce sont environ 700 jeunes lanaudois qui ont été scolarisés à la maison au cours de la présente année scolaire (2023-2024). Ce qui constitue une augmentation de 35 % depuis 2019. Sur ce chiffre, 407 élèves résident sur le territoire du Centre de services scolaire des Samares.
Les statistiques de cette étude, effectuée par le professeur de sociologie au niveau collégial Fabien Torres, illustrent que la pandémie a amené un plus grand nombre de parents à choisir de faire l’école à la maison. Au Québec, ce sont environ 12 000 enfants qui étaient inscrits à ce type d’éducation au cours de l’année 2020-2021, soit le double de l’année précédant la pandémie. Le même phénomène a pu être constaté dans Lanaudière, avec presque 1000 enfants inscrits au plus fort de la pandémie.
Bien que cette dernière soit terminée, la popularité de l’école à la maison s’est maintenue et les raisons de ce choix ont évolué. Selon les parents qui ont répondu au sondage de l’étude, ce sont la liberté et la flexibilité ainsi que le désir de faire de l’école un véritable projet familial qui ont motivé leur décision. Plusieurs sont également d’avis que l’enrichissement qu’ils offrent à la maison est plus grand.
Selon Christine Brabant, chercheuse et professeure titulaire en fondements et administration de l’éducation à l’Université de Montréal, qui a collaboré à cette étude, ces résultats rejoignent ceux de ses propres recherches effectuées en 2021. « Une étude que j’avais dirigée à l’échelle de la province a en effet révélé une prédominance de raisons reliées à la qualité de vie familiale et à la richesse de ce contexte d’apprentissage! »
Au cœur de l’étude lanaudoise, 45% des familles ont affirmé que la qualité de l’enseignement a diminué en raison de la pénurie d’enseignants et que cela a eu une grande importance dans leur choix de faire l’école à la maison.
« Une famille m’a même témoigné que le taux de roulement des enseignants dans l’école de leur village les a fortement convaincus de faire ce choix. Une autre famille, d’une autre municipalité, a également décidé de sortir leur enfant de l’école en raison des difficultés importantes vécues dans la classe. C’est non négligeable », a mentionné M. Torres.
Témoignage
Un père de la région, qui a désiré conserver l’anonymat, a appuyé les dires de M. Torres en mentionnant que son enfant n’avait presque rien appris en anglais, au cours de sa première année, en raison du roulement du personnel. Il a évoqué que quatre enseignants se sont succédé tout au long de l’année et qu’aucun d’entre eux n’est resté plus que quelques semaines.
Il a poursuivi en expliquant que la classe de son enfant était composée de douze jeunes et qu’environ huit d’entre eux présentaient des problèmes de comportements ou d’apprentissages. « Ce n’est pas la faute de l’école, l’éducatrice fait un bon travail, mais elle avait de la difficulté à contrôler les enfants. Certains faisaient des crises tous les jours et c’était impossible pour les autres d’apprendre quoi que ce soit », a témoigné le père en entrevue avec L’Action.
Ce dernier trouvait également qu’il y avait une surutilisation des écrans parmi les méthodes d’apprentissages. « Chaque fois qu’on voulait regarder un film en famille, il nous disait qu’il l’avait déjà vu à l’école! Je crois aussi qu’ils apprennent avec des programmes déjà conçus qui demandent l’utilisation d’un écran. » Il a ajouté que d’autres parents avaient fait le même constat. De plus, il a observé que son enfant perdait peu à peu sa curiosité, son désir d’apprendre et sa passion pour la lecture.
« Nous avons essayé de trouver d’autres écoles, mais c’était soit trop loin ou trop dispendieux. Jamais dans ma vie je n’aurais pensé faire l’école à la maison! Je n’ai pas de formation en enseignement et ma conjointe et moi travaillions tous les deux à temps plein. Toutefois, je me suis dit que je devais faire des sacrifices si je voulais que mon enfant ait une bonne éducation et c’est pourquoi j’ai coupé dans mes heures de travail. »
La famille a entamé cette nouvelle aventure qu’est l’école à la maison en septembre 2023 et a décidé de tenter le coup pour au moins six mois. Les journées du lundi et du vendredi sont dédiées aux apprentissages du français, de l’anglais, des mathématiques et de l’univers social. Puis, l’enfant passe les trois autres jours de la semaine dans un Centre d’apprentissage libre en forêt pour compléter son éducation. « Il a une super vie, je suis vraiment jaloux! Et je suis certain que dans nos deux jours nous atteignons un plus haut niveau que ce qu’il voyait à l’école, et ce, même si nos horaires sont peu chargés. »
En effet, leurs journées d’apprentissages commencent vers 8h, ils vont ensuite jouer au soccer avec des amis sur l’heure du dîner et reprennent les cours jusqu’à environ 15h. « Je vois vraiment son évolution! Maintenant, il peut lire des livres simples en anglais et maintenir des petites conversations. Son intérêt pour la lecture est aussi revenu, il va à la bibliothèque environ trois fois par semaine! »
Tout se passe tellement bien qu’ils ont décidé de terminer l’année scolaire et de continuer l’école à la maison l’an prochain. « Quand on lui demande s’il veut retourner à l’école, sa réponse est non! Il aime la tranquillité qu’il a ici et il voit ses amis sur l’heure du dîner ou après les cours. »
De son côté, le père était lui aussi surpris d’apprécier autant l’expérience, « de passer ce temps avec mon enfant, ça donne vraiment une autre dimension à notre relation. Nous avons de belles conversations, c’est un cadeau vraiment spécial! »
Il est toutefois conscient que l’école à la maison ne convient pas à tous et connaît même des parents pour qui l’expérience s’est avérée beaucoup moins positive. « Nous sommes chanceux d’avoir pu réduire nos heures de travail et ma belle-mère nous aide beaucoup pour le plan d’apprentissage et la planification des cours. Le fait d’avoir un centre d’apprentissage libre à proximité est aussi une grande chance. »
Centre d’apprentissage libre en forêt
Plusieurs centres d’apprentissage libre ont d’ailleurs vu le jour dans le nord de Lanaudière depuis les quatre dernières années, dont un à Saint-Jean-de-Matha, un à Saint-Côme, et un programme à Sainte-Émélie-de-l'Énergie. L’étude menée par M. Torres, et demandée par le Centre d’apprentissage en forêt Arborescence de Saint-Jean-de-Matha, a également démontré l’importance de ceux-ci.
En effet, les résultats indiquent que les familles y voient l’opportunité d’offrir à leurs enfants un contact avec la nature et des activités de socialisation, en plus de représenter un complément important à leur éducation. Arborescence a même commencé, cette année, à offrir des activités utilisant la pédagogie par la nature dans les écoles. « Si nous voulons au Québec développer encore plus la pédagogie par la nature, ces initiatives doivent être encouragées autant à l’intérieur des écoles qu’à l’extérieur », a terminé Fabien Torres.
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