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Retour08 mars 2023
Élise Brouillette - ebrouillette@medialo.ca
Dénoncer pour en finir avec l’intimidation
Témoignages
©Photo Élise Brouillette - L'Action
Lise Thériault, Valérie Léveillé et Lisette Falker ont accepté de se confier sur l’intimidation qu’elles ont vécue ou vivent toujours en politique.
L’importance de dénoncer était au cœur de toutes les interventions à l’occasion du lancement de trois balados sur l’intimidation des femmes en politique, une initiative portée par le Réseau des Femmes Élues de Lanaudière (RFEL).
Les balados ont été réalisés dans le cadre de « Pour en finir avec l'intimidation des femmes en politique », un projet qui se déroule sur trois ans et qui est financé par le ministère de la Famille - programme Ensemble contre l’intimidation. Par ce dernier, le RFEL veut sensibiliser la population sur les conséquences de l’hostilité en personne ou en ligne visant les femmes en politique de la grande région de Lanaudière. Le RFEL vise également à garantir à toutes les femmes le droit de participer pleinement, équitablement et en toute sécurité à la vie politique et publique promulguant ainsi une démocratie saine.
C’est sous le thème « Un café avec le Réseau - série Intimidée à déterminée » qu’ont témoigné trois femmes de tête sur les formes d’intimidation qu’elles ont vécues lors de leur expérience politique. Il s’agit de Valérie Léveillé, premier mandat à titre de conseillère municipale à Chertsey, de Lisette Falker, deuxième mandat à titre de conseillère municipale à Lavaltrie et de Lise Thériault, ex-ministre et ex-vice-première ministre du Québec. Elles ont accepté de se livrer avec générosité sur ce sujet qui, même s’il est mis davantage en avant-scène depuis quelque temps, demeure tabou.
Lors du lancement, qui s’est déroulé en présence de dignitaires de toutes les MRC de Lanaudière, des extraits des balados ont été présentés et les trois participantes au projet ont pris la parole.
Valérie Léveillé a raconté qu’après avoir pu visionner en primeur les balados de ses deux collègues, elle a l’intention de dénoncer encore plus. Elle se désole également qu’après vingt ans, les mêmes comportements semblent perdurer.
« N’acceptez pas de vous faire dire « ferme là, tu es juste une fille… », ce n’est pas ça la démocratie! »
En entretien avec L’Action, la conseillère à Chertsey a déclaré : « Je ne pensais jamais vivre ça de ma vie, que ce soient des propos dénigrants ou des gestes comme des coups de poing sur une table pendant des réunions…» Si elle ressentait d’abord de la nervosité à l’idée de parler, après avoir participé au projet du RFEL, sa motivation à dénoncer est encore plus forte. Mme Léveillé souligne que l’intimidation peut prendre toutes sortes de formes. « Parfois, ça peut même se présenter comme le fait d’être toujours « oubliée » dans les envois de courriels… »
La conseillère regrette que l’intimidation puisse décourager les jeunes de choisir la politique et les élues en place de solliciter un autre mandat.
De son côté, Lisette Falker a déclaré qu’avec le recul, elle aurait dénoncé davantage et agi autrement. Elle n’est malheureusement pas surprise que les choses n’aient pas tant évolué au cours des années. « Il y a encore de vieilles mentalités, il faut combattre, il faut dénoncer. »
Se faire crier après et être témoin de gestes brusques, Lisette Falker aussi l’a vécu au cours de ses 20 ans d’engagement en politique municipale. « Ces gens veulent te pousser à t’en aller, pour eux, tu prends la place de quelqu’un d’autre. On vit dans de petites communautés et souvent, on ne veut pas faire de chicane…» Elle ajoute qu’elle aurait aimé avoir le soutien de ses pairs, mais que les gens autour de la table sont tout aussi surpris et hésitent à intervenir. La conseillère à Lavaltrie insiste sur l’importance d’aller chercher de l’aide. « C’est déjà difficile de décider de se lancer en politique, c’est important d’avoir une belle expérience. »
Au fil du temps, elle a changé ses façons de faire et a adopté des stratégies qu’elle partage dans le balado. « J’ose espérer que toutes les actions pour lutter contre l’intimidation vont donner quelque chose, allumer une lumière. Ce seront qui nos politiciens si les personnes de qualité ne veulent plus se présenter? »
L’ancienne députée et ministre responsable de Lanaudière, Lise Thériault, était présente lors du lancement à Joliette. Elle a insisté sur l’importance d’être capable de parler d’intimidation. « Tu ne sais jamais quand ça va arriver ni quelle forme cela va prendre. C’est sournois. »
Mme Thériault a souligné que si, dans le temps, les commentaires arrivaient par fax ou par voie téléphonique, l’intimidation a pris une tout autre ampleur avec les réseaux sociaux.
L’ancienne ministre a raconté qu’avec l’assurance acquise avec les années, elle s’était mise à répondre lorsqu’elle était attaquée. « Il n’y a personne qui va me faire taire. Quand je me fais intimider, je deviens Hulk. J’ai toujours eu le courage de mes convictions. Le but premier de l’intimidation, c’est d’ébranler votre confiance en vous et que vous décidiez de ne pas vous représenter. On ne va pas en politique pour se faire aimer, mais le danger, c’est le recul démocratique et le recul de la présence des femmes en politique. Ça prend aussi le soutien des hommes. »
En entrevue avec L’Action, Lise Thériault a mentionné que la pandémie a peut-être amplifié le manque de filtre de certaines personnes, mais que les femmes élues ne doivent pas être les victimes de cette hargne populaire.
Les balados ont été produits par l’équipe de Synop6 et sont animés par Sonia Hénault de Cancan communications. Ils ont été enregistrés Chez Marcel café-caviste à Joliette. Les balados sont actuellement diffusés sous forme d’extraits sur la page Facebook du Réseau et les 15 mars, 15 avril et 15 mai, ils le seront sous leur forme intégrale de 30 minutes. Par la suite, ils seront déposés sur le site du RFEL au www.rfel.ca. et feront l’objet d’une large diffusion.
La campagne de sensibilisation sur l'intimidation des femmes en politique donnera lieu à d’autres activités, dont le brunch AGA du RFEL, le 19 mars à Terrebonne, incluant une conférence conjointe policier et CALAC et une formation du Groupe Femmes, Politique et Démocratie intitulée « Femmes et pouvoir, une progression constante? » en mai prochain.
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