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Retour27 octobre 2020
Les agences de voyages de la région appellent à l’aide
L’industrie exhorte le gouvernement du Québec de lui octroyer une aide sectorielle
©Photo : Unsplash.com
L’industrie du voyage est un des secteurs les plus touchés par les impacts de la pandémie.
Encore plus durement frappée que les milieux de la restauration et de la culture, l’industrie du voyage a vu ses revenus être réduits à pratiquement zéro par la pandémie et si rien n’est fait pour leur venir en aide, plusieurs agences de voyages du Grand Joliette craignent de devoir fermer leurs portes d’ici les Fêtes. Entre résilience, audace et nécessité de se réinventer, les acteurs de milieu demeurent positifs, mais pressent le gouvernement de leur venir en aide afin d’assurer leur survie. Un compte-rendu de Christian Belhumeur-Gross.
Quatre-vingt-quinze pour cent, c’est la part du chiffre d’affaires de l’agence Voyages Nouveau Monde partie en fumée depuis le début de la pandémie en mars dernier. Malgré ce chiffre imposant et les perspectives incertaines quant à l’avenir, Cynthia Pinard, coordonnatrice à l’agence qui a pignon sur rue à Joliette, demeure sereine et confiante. Comme ses collègues des autres agences joliettaines, elle a vu son industrie être littéralement paralysée par la pandémie et les nombreuses contraintes au voyage qui en découlent. Les agences de voyage ont ainsi vu leur chiffre d’affaires être presque entièrement balayé. « C’est sûr que c’est une période très difficile, on a quelques personnes, disons plus téméraires, qui sont prêtes à partir en voyage, mais ça reste une infime minorité. Même si c’est difficile en ce moment, on voit que les gens veulent continuer à voyager, le goût du voyage est toujours là et dès que les mesures sanitaires seront levées, ça va repartir », souligne-t-elle.
Selon Mme Pinard, le principal frein à l’industrie en ce moment, c’est la quarantaine de deux semaines imposée aux voyageurs à leur retour. Cette mesure, dont elle ne remet aucunement en cause la nécessité dans les circonstances, rebute évidemment de nombreux voyageurs qui souhaitent aller à l’étranger. Les voyages organisés en autocar au Québec et au Canada ont également été impossibles vu les mesures sanitaires. L’agence Voyages Nouveau Monde a malgré tout réussi à quelque peu se relancer cet automne. Autorisée à rouvrir ses portes en septembre, l’agence a profité du programme Explore Québec et a pu offrir à sa clientèle des forfaits voyage (réservation de l’hébergement et d’activités) au Québec. « Ce programme a été salutaire pour nous, ça nous a permis de stabiliser la situation, mais avec le reconfinement qui pointe à l’horizon, on sent un plafonnement », précise-t-elle.
La situation n’est guère plus rose ailleurs. Mélanie Sourdif, propriétaire de l’agence Voyages Évasion, également située à Joliette, indique qu’en ce moment, peu ou aucune vente ne sont réalisées. Les voyages extérieurs représentent 90 % du chiffre d’affaires de cette agence et avec les mesures sanitaires en place, la clientèle ne se bouscule pas aux portes. L’agence, qui emploie normalement cinq personnes permanentes et a recours à une trentaine d’agents extérieurs, a réduit son personnel à deux personnes. « Je suis de nature optimiste, je suis certaine que ça va reprendre, les gens ont besoin de voyager, c’est quelque chose de vital, mais pour le moment, c’est très difficile », souligne-t-elle.
Même son de cloche du côté de Karine Séguin de l’agence Club Voyages Albatros de Joliette. Les revenus demeurent faibles et l’agence se concentre actuellement sur le maintien des services aux clients. « Depuis le début de la pandémie, on est présent pour répondre aux questions de nos clients et les aider dans leurs démarches avec les compagnies d’assurances et les compagnies aériennes pour tenter d’obtenir des remboursements. » Elle dit comprendre d’ailleurs la frustration des clients qui souhaitent obtenir un remboursement pour leur forfait voyage, or ce n’est pas du ressort de l’agence. « Il faut comprendre que lors de la réservation, l’argent est placé en fidéicommis par le tour opérateur et l’agence ne touche à sa part que lorsque le client arrive à l’étranger. Donc en ce moment, on n’a aucunement l’argent de toutes ces réservations. Dans les circonstances on cherche à offrir le meilleur service possible et à rester en contact avec nos clients afin de les rassurer.» Mme Séguin souligne d’ailleurs l’importance pour le gouvernement fédéral de venir en aide aux compagnies aériennes ce qui faciliterait probablement les choses pour les remboursements.
L’agence a mis de l’avant des forfaits de voyages au Québec cet été, ce qui lui a permis de payer ses coûts fixes et de passer à travers. Des projets sont également mis de l’avant pour l’hiver telles que des offres de voyages de ski et de motoneige au Québec.
Nécessité d’une aide sectorielle
Les différentes intervenantes rencontrées s’entendent toutes sur le fait que les agences auront besoin d’une aide sectorielle du gouvernement pour maintenir leurs opérations et survivre à la présente crise. Sans une telle aide, beaucoup ne pourront passer à travers. « Pour le moment, mis à part les programmes d’urgence généraux, nous n’avons aucune forme d’aide de la part des gouvernements alors que nous sommes l’un des secteurs les plus touchés par la pandémie », tonne Mme Pinard. Selon elle, une subvention sectorielle permettrait à l’industrie et ses partenaires, comme les compagnies d’autocar, de se maintenir et ainsi préserver des emplois. « Une telle aide serait quelque chose de gagnant-gagnant pour tout le monde », poursuit-elle.
Une transformation dans le monde du voyage
Les trois intervenantes rencontrées se montrent optimistes face à l’avenir et sont convaincues que l’industrie reprendra une fois la Covid-19 passée. Elles se disent cependant réalistes et n’anticipent pas de retour à la normale avant la fin 2021 ou 2022. Selon Mme Séguin, avec un achalandage différent, l’industrie risque cependant de changer au cours des prochaines années. «C’est sûr que le Dollarama du voyage, c’est terminé, on va probablement passer du volume vers la qualité du voyage et les gens vont rechercher des choses précises, tel que l’écotourisme», mentionne-t-elle. Mme Sourdif abonde dans le même sens et croit que la clientèle dans le futur sera beaucoup plus sélective dans ses choix de voyage.
Les trois intervenantes restent persuadées que la clientèle sera au rendez-vous une fois la crise passée, mais d’ici là, elles lancent un cri d’alarme au gouvernement que si rien n’est fait pour leur venir en aide, rien ne garantit qu’elles seront elles-mêmes au rendez-vous.
Peu de temps après l’entrevue, le gouvernement du Québec a fait savoir à l’industrie qu’il ne mettra pas sur pied d’aide sectorielle car il la considère comme une industrie de type commerce de détail. Mme Pinard dit avoir reçu cette réponse du gouvernement comme une gifle au visage. Elle souligne également que selon les résultats d'un sondage effectué par une association représentant les agences de voyages, si la situation demeure inchangée, beaucoup d'entre-elles pourront difficilement tenir d’ici les Fêtes.
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